Dix ans après la fronde des "Pigeons", un nouveau front de contestation se lève contre un projet de loi de finances jugé pénalisant pour les entrepreneurs et leurs investisseurs. La réforme prévoit un durcissement fiscal sur les entreprises détenues par des fonds, imposant plus lourdement leurs profits. Une mobilisation massive s'organise, portée par des acteurs majeurs de l’écosystème entrepreneurial. Entre quête d’équité fiscale et crainte pour la compétitivité du pays, le débat s’enflamme. Décryptage d’un bras de fer qui pourrait profondément bouleverser l’attractivité économique française.
Les entrepreneurs sont en colère. Une réforme fiscale prévue dans le projet de loi de finances s'apprête à bouleverser l'équilibre fragile entre investisseurs et dirigeants d’entreprises. Cette mesure, en redéfinissant la manière dont les profits des entrepreneurs financés par des fonds d’investissement sont taxés, pourrait alourdir considérablement leur fiscalité. Face à cette réforme, la fronde s’organise, rappelant le mouvement des "Pigeons" de 2012 qui avait contraint le gouvernement de l'époque à faire marche arrière.
Le nœud du problème réside dans la volonté de Bercy de requalifier certains montages financiers en traitements de salaires. Concrètement, cette réforme cherche à imposer, en tant que revenus du travail, des gains perçus par des dirigeants lorsque leur entreprise, détenue en partie par des fonds d’investissement, génère une plus-value. Jusqu’à présent, ces profits bénéficiaient d’un régime de taxation plus avantageux en raison de leur nature capitalistique.
En durcissant cette fiscalité, le gouvernement avance des arguments d’équité : ces montages permettraient selon lui d’éviter de payer certaines charges sociales et de minoriser l’imposition des dirigeants. Mais pour ces derniers, la réforme revient surtout à sanctionner la prise de risque et à réduire l’attractivité de la France pour le private equity. En effet l'intérêt des investisseurs et des dirigeants ne serait de fait plus aligné, puisque ils ne seraient plus soumis à la même fiscalité, mettant ainsi à mal une sacro-sainte règle dans le monde du capital investissement. Un message délétère à l’heure où le pays cherche à renforcer son écosystème de start-up et de scale-up.
La contestation n’a pas tardé à émerger. Rassemblés sous des tribunes communes, les entrepreneurs alertent sur les effets délétères de cette mesure. Des figures influentes du monde des start-up et des fonds de capital-risque se mobilisent, dénonçant une réforme qui, selon eux, freinerait l’investissement et l’innovation en France.
Le parallèle avec la fronde des "Pigeons" en 2012 s’impose naturellement. À l'époque, ce mouvement spontané d’entrepreneurs s’était insurgé contre une taxation accrue des plus-values de cession et avait obtenu gain de cause après une pression médiatique et politique intense. Dix ans plus tard, les ingrédients d’un nouveau bras de fer avec Bercy sont réunis.
Les dirigeants s’émeuvent d’un signal négatif envoyé aux investisseurs étrangers. "Nous mettons tout en jeu : nos économies, notre temps, notre énergie… et on nous pénalise fiscalement au moment où nos entreprises réussissent", souffle un CEO d’une scale-up française. Pour beaucoup, cette taxation renforcerait une tendance inquiétante : le départ des entrepreneurs à succès vers des destinations fiscalement plus clémentes comme le Royaume-Uni ou les États-Unis. Un scénario que la France ne peut se permettre après des années d’efforts pour attirer les talents et les capitaux.
Face à la grogne, le gouvernement se défend. Pour le ministère des Finances, cette réforme est avant tout une question d’équité fiscale. "Il ne s’agit pas de pénaliser l’entrepreneuriat mais d’éviter des effets d’optimisation abusive", explique un responsable du fisc. L'argument est loin de convaincre les contestataires, qui y voient plutôt une volonté de renflouer les finances publiques à courte vue, risquant de briser une dynamique entrepreneuriale précieuse.
À Bercy, certains s’attendent à des concessions. Des négociations seraient en cours afin d’atténuer l’impact du texte sur les jeunes entreprises à forte croissance. Mais pour les entrepreneurs, le mal est fait : "Le simple fait de proposer cette réforme crée un climat d’incertitude toxique", confie un dirigeant.
Alors que les discussions parlementaires s’engagent, le gouvernement pourrait être amené à revoir sa copie sous la pression croissante du monde entrepreneurial. Céder, comme en 2012, et ajuster sa réforme, ou tenir bon au nom de l’équité fiscale ? L’issue reste incertaine.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est que cette mobilisation met en lumière un divorce persistant entre l’État et l’écosystème entrepreneurial sur la question de la fiscalité. Alors que la France ambitionne de devenir une "start-up nation", ces arbitrages fiscaux envoient un signal contradictoire, risquant de pousser talents et capitaux à chercher refuge sous d’autres cieux. Une question qui dépasse largement ce projet de loi et pose, plus largement, l’épineuse problématique de la stabilité fiscale pour les entrepreneurs français.
Le match est lancé. Restera-t-il à l’avantage de Bercy ou des entrepreneurs ? Les semaines à venir nous le diront.
Animé par la mission de rendre la finance et l'économie plus claires et accessibles, Tristan aide à décrypter les tendances complexes et à explorer des voies alternatives pour répondre aux enjeux globaux de demain. Expert en finance durable, économie et transition énergétique, il partage ses analyses pour participer à la prise de conscience des enjeux et au progrès sociétal.
Dix ans après la fronde des "Pigeons", un nouveau front de contestation se lève contre un projet de loi de finances jugé pénalisant pour les entrepreneurs et leurs investisseurs. La réforme prévoit un durcissement fiscal sur les entreprises détenues par des fonds, imposant plus lourdement leurs profits. Une mobilisation massive s'organise, portée par des acteurs majeurs de l’écosystème entrepreneurial. Entre quête d’équité fiscale et crainte pour la compétitivité du pays, le débat s’enflamme. Décryptage d’un bras de fer qui pourrait profondément bouleverser l’attractivité économique française.
Les entrepreneurs sont en colère. Une réforme fiscale prévue dans le projet de loi de finances s'apprête à bouleverser l'équilibre fragile entre investisseurs et dirigeants d’entreprises. Cette mesure, en redéfinissant la manière dont les profits des entrepreneurs financés par des fonds d’investissement sont taxés, pourrait alourdir considérablement leur fiscalité. Face à cette réforme, la fronde s’organise, rappelant le mouvement des "Pigeons" de 2012 qui avait contraint le gouvernement de l'époque à faire marche arrière.
Le nœud du problème réside dans la volonté de Bercy de requalifier certains montages financiers en traitements de salaires. Concrètement, cette réforme cherche à imposer, en tant que revenus du travail, des gains perçus par des dirigeants lorsque leur entreprise, détenue en partie par des fonds d’investissement, génère une plus-value. Jusqu’à présent, ces profits bénéficiaient d’un régime de taxation plus avantageux en raison de leur nature capitalistique.
En durcissant cette fiscalité, le gouvernement avance des arguments d’équité : ces montages permettraient selon lui d’éviter de payer certaines charges sociales et de minoriser l’imposition des dirigeants. Mais pour ces derniers, la réforme revient surtout à sanctionner la prise de risque et à réduire l’attractivité de la France pour le private equity. En effet l'intérêt des investisseurs et des dirigeants ne serait de fait plus aligné, puisque ils ne seraient plus soumis à la même fiscalité, mettant ainsi à mal une sacro-sainte règle dans le monde du capital investissement. Un message délétère à l’heure où le pays cherche à renforcer son écosystème de start-up et de scale-up.
La contestation n’a pas tardé à émerger. Rassemblés sous des tribunes communes, les entrepreneurs alertent sur les effets délétères de cette mesure. Des figures influentes du monde des start-up et des fonds de capital-risque se mobilisent, dénonçant une réforme qui, selon eux, freinerait l’investissement et l’innovation en France.
Le parallèle avec la fronde des "Pigeons" en 2012 s’impose naturellement. À l'époque, ce mouvement spontané d’entrepreneurs s’était insurgé contre une taxation accrue des plus-values de cession et avait obtenu gain de cause après une pression médiatique et politique intense. Dix ans plus tard, les ingrédients d’un nouveau bras de fer avec Bercy sont réunis.
Les dirigeants s’émeuvent d’un signal négatif envoyé aux investisseurs étrangers. "Nous mettons tout en jeu : nos économies, notre temps, notre énergie… et on nous pénalise fiscalement au moment où nos entreprises réussissent", souffle un CEO d’une scale-up française. Pour beaucoup, cette taxation renforcerait une tendance inquiétante : le départ des entrepreneurs à succès vers des destinations fiscalement plus clémentes comme le Royaume-Uni ou les États-Unis. Un scénario que la France ne peut se permettre après des années d’efforts pour attirer les talents et les capitaux.
Face à la grogne, le gouvernement se défend. Pour le ministère des Finances, cette réforme est avant tout une question d’équité fiscale. "Il ne s’agit pas de pénaliser l’entrepreneuriat mais d’éviter des effets d’optimisation abusive", explique un responsable du fisc. L'argument est loin de convaincre les contestataires, qui y voient plutôt une volonté de renflouer les finances publiques à courte vue, risquant de briser une dynamique entrepreneuriale précieuse.
À Bercy, certains s’attendent à des concessions. Des négociations seraient en cours afin d’atténuer l’impact du texte sur les jeunes entreprises à forte croissance. Mais pour les entrepreneurs, le mal est fait : "Le simple fait de proposer cette réforme crée un climat d’incertitude toxique", confie un dirigeant.
Alors que les discussions parlementaires s’engagent, le gouvernement pourrait être amené à revoir sa copie sous la pression croissante du monde entrepreneurial. Céder, comme en 2012, et ajuster sa réforme, ou tenir bon au nom de l’équité fiscale ? L’issue reste incertaine.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est que cette mobilisation met en lumière un divorce persistant entre l’État et l’écosystème entrepreneurial sur la question de la fiscalité. Alors que la France ambitionne de devenir une "start-up nation", ces arbitrages fiscaux envoient un signal contradictoire, risquant de pousser talents et capitaux à chercher refuge sous d’autres cieux. Une question qui dépasse largement ce projet de loi et pose, plus largement, l’épineuse problématique de la stabilité fiscale pour les entrepreneurs français.
Le match est lancé. Restera-t-il à l’avantage de Bercy ou des entrepreneurs ? Les semaines à venir nous le diront.