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Budget 2025 : ça ferraille à l'assemblée nationale.

Budget 2025: le parcours d'équilibriste du gouvernement sur des réformes fiscales et des coupes budgétaires dans un climat politique tendu.

Publié le
15/11/24
, mis à jour le
12/12/24
December 12, 2024

"On n’a pas écrit un budget, on a jonglé avec des grenades dégoupillées." Cette phrase, elle aurait pu être lâchée par un proche du ministre des Finances pour résumer l’ambiance qui règne dans les couloirs du Palais Bourbon. Entre l'absence de majorité à l’Assemblée nationale, un Sénat plus conservateur que jamais, et une opposition qui multiplie les contre-propositions, faire accoucher le budget 2025 s’apparente à une mission de haute voltige.

Entre ambitions budgétaires et tensions politiques

Dans les arcanes de la République, un chantier complexe se déploie : le Projet de Loi de Finances pour 2025 (PLF 2025). Porté par un gouvernement fraîchement formé après une dissolution de l’Assemblée nationale et des mois d’incertitude politique, ce texte budgétaire ne se contente pas de réajuster les comptes publics. Il ambitionne de transformer en profondeur les priorités fiscales et économiques du pays. Mais comme souvent, entre intentions et réalisations, le chemin est semé d’embûches.

La France aborde 2025 avec des défis économiques majeurs : une croissance atone, une inflation toujours présente, et une dette publique qui flirte avec les 3 000 milliards d’euros. Dans ce contexte, le gouvernement a présenté un projet de loi de finances réaliste. Or, entre les tensions politiques et les pressions sociales, chaque ligne budgétaire devient un champ de bataille.

Le ministre du Budget, Laurent Saint Martin doit jongler entre des injonctions contradictoires : limiter la dette, répondre aux urgences climatiques et sociales, et ménager les sensibilités des partenaires politiques. À chaque amendement, l’équilibre fragile menace de s’écrouler.

L’ambition d’un « effort global » : 60 milliards d’euros en ligne de mire

Pour 2025, l’exécutif a fixé un cap clair : ramener le déficit à 5 % du PIB, soit une réduction de 1,1 point. Cela représente un effort budgétaire colossal de 60 milliards d’euros, réparti entre hausses de recettes (19,3 milliards d’euros), économies sur les dépenses de l’État (21,5 milliards d’euros), contribution des collectivités locales (5 milliards d’euros), et rationalisation des dépenses de la sécurité sociale (15 milliards d’euros).

Ce plan, dévoilé par le ministre de l’Économie et des Finances, semble taillé pour répondre aux attentes des partenaires européens, tout en cherchant à ménager une opinion publique déjà éprouvée par les hausses de taxes énergétiques et les ajustements fiscaux. Pourtant, la tâche s’annonce titanesque, tant les résistances se multiplient, de l’Assemblée nationale aux grandes collectivités.

Une réforme fiscale ciblée, mais controversée

Le volet fiscal du PLF 2025 fait la part belle à des mesures qui ciblent à la fois les ménages aisés et les grandes entreprises. Parmi les annonces phares, l’instauration d’une contribution différentielle sur les très hauts revenus : une taxe temporaire, applicable aux foyers dont le revenu fiscal dépasse 250 000 euros pour une personne seule, visant à corriger les distorsions dans l’imposition des plus riches. Selon le gouvernement, cette mesure pourrait rapporter 2 milliards d’euros en 2025, mais elle suscite déjà de vifs débats. Les détracteurs dénoncent une « fiscalité punitive » et craignent un départ des grandes fortunes vers d’autres horizons fiscaux.

Les entreprises, elles aussi, sont dans le viseur. Une taxe exceptionnelle sur les rachats d’actions sera appliquée aux grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros. Parallèlement, la suppression totale de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), initialement prévue pour 2027, est repoussée à 2030. Ces arbitrages reflètent un choix clair : demander aux acteurs économiques les plus solides de contribuer davantage à l’effort national.

La fin du bouclier tarifaire : un tournant énergétique majeur

Sur le terrain de l’énergie, l’année 2025 marque un changement de paradigme. Le bouclier tarifaire mis en place pour contenir les prix de l’électricité durant la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine arrive à son terme. Les taxes sur l’électricité, réduites ces dernières années, reviendraient à leur niveau d’avant-crise, avec une modulation par arrêté. Cette décision, impopulaire mais jugée nécessaire, vise à générer 3 milliards d’euros de recettes fiscales. Le gouvernement promet cependant une baisse de 9 % des factures pour les consommateurs au tarif réglementé, un geste censé amortir l’impact pour les ménages modestes.

Mais les arbitrages énergétiques ne s’arrêtent pas là. L’écotaxe sur les véhicules polluants, déjà renforcée en 2024, se durcit davantage. Si les défenseurs de l’environnement applaudissent, les opposants dénoncent une « écologie punitive », pointant du doigt l’effet cumulatif de ces taxes sur les classes moyennes.

Les primo-accédants et les propriétaires dans la tourmente

L’immobilier, secteur clé pour l’économie française, fait également l’objet d’une refonte. Pour soutenir l’accession à la propriété, le prêt à taux zéro sera élargi à l’ensemble du territoire, une annonce saluée par les primo-accédants. Mais cette bouffée d’oxygène est contrebalancée par des mesures fiscales moins populaires : la niche permettant aux loueurs en meublé non professionnel (LMNP) de déduire les amortissements de leurs revenus locatifs est supprimée, une décision qui devrait rapporter 200 millions d’euros à l’État.

Pour les propriétaires louant des biens nus, un geste a été consenti sous la pression des parlementaires : un relèvement du taux d’abattement fiscal à 50 % dans le cadre du régime micro-foncier. Cette mesure, adoptée lors des débats, illustre les tensions entre le gouvernement et une majorité parlementaire en quête de compromis.

La bataille politique à l’Assemblée nationale

Les débats autour du PLF 2025 ont été marqués par une intensité rare, reflet des fractures profondes qui traversent le paysage politique. À l’Assemblée nationale, la partie « recettes » du texte a été rejetée après trois semaines d’examen houleux. Plus de 3 500 amendements avaient été déposés, dont plusieurs visant à durcir la fiscalité sur les hauts revenus et les grandes entreprises.

Parmi les propositions les plus audacieuses : la création d’un « impôt Zucman » sur le patrimoine des milliardaires, une taxation renforcée des superdividendes et un conditionnement du crédit d’impôt recherche (CIR) pour limiter les délocalisations. Bien que certains amendements aient été adoptés, la majorité des propositions du gouvernement ont été rejetées, obligeant l’exécutif à revoir sa copie avant l’examen au Sénat.

Les collectivités locales sous pression

En parallèle, les collectivités locales sont appelées à contribuer à l’effort budgétaire, à hauteur de 5 milliards d’euros. Cette participation prendra la forme d’un gel des transferts de TVA et d’une réduction des compensations de taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Si le gouvernement promet de protéger les collectivités les plus fragiles, les grandes villes et régions dénoncent une « recentralisation budgétaire » qui met en péril leurs capacités d’investissement.

Des promesses d’économies, mais à quel prix ?

Du côté des dépenses de l’État, un gel des crédits ministériels à leur niveau de 2024 devrait générer 15 milliards d’économies. Pourtant, certains secteurs obtiennent des arbitrages favorables : la défense voit son budget augmenter à 50,5 milliards d’euros, conformément à la loi de programmation militaire, tandis que la justice et l’intérieur bénéficient de rallonges budgétaires. D’autres ministères, comme l’Éducation nationale ou le Travail, devront en revanche faire des sacrifices.

Une bataille budgétaire loin d’être terminée

Alors que le PLF 2025 poursuit son chemin législatif, l’incertitude reste de mise. Le Sénat, majoritairement opposé au gouvernement, promet des débats tout aussi animés. Pendant ce temps, l’exécutif doit faire face à une opinion publique de plus en plus critique, tiraillée entre la nécessité de redresser les comptes et le rejet des hausses d’impôts et des coupes budgétaires.

Le PLF 2025 n’est pas qu’un simple document comptable. C’est un véritable exercice d’équilibrisme, où chaque ligne budgétaire reflète une vision politique et des choix de société. Dans un contexte où les marges de manœuvre se réduisent, il reste à voir si le gouvernement saura convaincre, non seulement les parlementaires, mais aussi les Français. Une chose est sûre : les semaines à venir seront décisives pour l’avenir économique et politique du pays.

Animé par la mission de rendre la finance et l'économie plus claires et accessibles, Tristan aide à décrypter les tendances complexes et à explorer des voies alternatives pour répondre aux enjeux globaux de demain. Expert en finance durable, économie et transition énergétique, il partage ses analyses pour participer à la prise de conscience des enjeux et au progrès sociétal.

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Budget 2025 : ça ferraille à l'assemblée nationale.

Publié le
December 12, 2024
, mis à jour le
12/12/24
December 12, 2024

"On n’a pas écrit un budget, on a jonglé avec des grenades dégoupillées." Cette phrase, elle aurait pu être lâchée par un proche du ministre des Finances pour résumer l’ambiance qui règne dans les couloirs du Palais Bourbon. Entre l'absence de majorité à l’Assemblée nationale, un Sénat plus conservateur que jamais, et une opposition qui multiplie les contre-propositions, faire accoucher le budget 2025 s’apparente à une mission de haute voltige.

Entre ambitions budgétaires et tensions politiques

Dans les arcanes de la République, un chantier complexe se déploie : le Projet de Loi de Finances pour 2025 (PLF 2025). Porté par un gouvernement fraîchement formé après une dissolution de l’Assemblée nationale et des mois d’incertitude politique, ce texte budgétaire ne se contente pas de réajuster les comptes publics. Il ambitionne de transformer en profondeur les priorités fiscales et économiques du pays. Mais comme souvent, entre intentions et réalisations, le chemin est semé d’embûches.

La France aborde 2025 avec des défis économiques majeurs : une croissance atone, une inflation toujours présente, et une dette publique qui flirte avec les 3 000 milliards d’euros. Dans ce contexte, le gouvernement a présenté un projet de loi de finances réaliste. Or, entre les tensions politiques et les pressions sociales, chaque ligne budgétaire devient un champ de bataille.

Le ministre du Budget, Laurent Saint Martin doit jongler entre des injonctions contradictoires : limiter la dette, répondre aux urgences climatiques et sociales, et ménager les sensibilités des partenaires politiques. À chaque amendement, l’équilibre fragile menace de s’écrouler.

L’ambition d’un « effort global » : 60 milliards d’euros en ligne de mire

Pour 2025, l’exécutif a fixé un cap clair : ramener le déficit à 5 % du PIB, soit une réduction de 1,1 point. Cela représente un effort budgétaire colossal de 60 milliards d’euros, réparti entre hausses de recettes (19,3 milliards d’euros), économies sur les dépenses de l’État (21,5 milliards d’euros), contribution des collectivités locales (5 milliards d’euros), et rationalisation des dépenses de la sécurité sociale (15 milliards d’euros).

Ce plan, dévoilé par le ministre de l’Économie et des Finances, semble taillé pour répondre aux attentes des partenaires européens, tout en cherchant à ménager une opinion publique déjà éprouvée par les hausses de taxes énergétiques et les ajustements fiscaux. Pourtant, la tâche s’annonce titanesque, tant les résistances se multiplient, de l’Assemblée nationale aux grandes collectivités.

Une réforme fiscale ciblée, mais controversée

Le volet fiscal du PLF 2025 fait la part belle à des mesures qui ciblent à la fois les ménages aisés et les grandes entreprises. Parmi les annonces phares, l’instauration d’une contribution différentielle sur les très hauts revenus : une taxe temporaire, applicable aux foyers dont le revenu fiscal dépasse 250 000 euros pour une personne seule, visant à corriger les distorsions dans l’imposition des plus riches. Selon le gouvernement, cette mesure pourrait rapporter 2 milliards d’euros en 2025, mais elle suscite déjà de vifs débats. Les détracteurs dénoncent une « fiscalité punitive » et craignent un départ des grandes fortunes vers d’autres horizons fiscaux.

Les entreprises, elles aussi, sont dans le viseur. Une taxe exceptionnelle sur les rachats d’actions sera appliquée aux grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros. Parallèlement, la suppression totale de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), initialement prévue pour 2027, est repoussée à 2030. Ces arbitrages reflètent un choix clair : demander aux acteurs économiques les plus solides de contribuer davantage à l’effort national.

La fin du bouclier tarifaire : un tournant énergétique majeur

Sur le terrain de l’énergie, l’année 2025 marque un changement de paradigme. Le bouclier tarifaire mis en place pour contenir les prix de l’électricité durant la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine arrive à son terme. Les taxes sur l’électricité, réduites ces dernières années, reviendraient à leur niveau d’avant-crise, avec une modulation par arrêté. Cette décision, impopulaire mais jugée nécessaire, vise à générer 3 milliards d’euros de recettes fiscales. Le gouvernement promet cependant une baisse de 9 % des factures pour les consommateurs au tarif réglementé, un geste censé amortir l’impact pour les ménages modestes.

Mais les arbitrages énergétiques ne s’arrêtent pas là. L’écotaxe sur les véhicules polluants, déjà renforcée en 2024, se durcit davantage. Si les défenseurs de l’environnement applaudissent, les opposants dénoncent une « écologie punitive », pointant du doigt l’effet cumulatif de ces taxes sur les classes moyennes.

Les primo-accédants et les propriétaires dans la tourmente

L’immobilier, secteur clé pour l’économie française, fait également l’objet d’une refonte. Pour soutenir l’accession à la propriété, le prêt à taux zéro sera élargi à l’ensemble du territoire, une annonce saluée par les primo-accédants. Mais cette bouffée d’oxygène est contrebalancée par des mesures fiscales moins populaires : la niche permettant aux loueurs en meublé non professionnel (LMNP) de déduire les amortissements de leurs revenus locatifs est supprimée, une décision qui devrait rapporter 200 millions d’euros à l’État.

Pour les propriétaires louant des biens nus, un geste a été consenti sous la pression des parlementaires : un relèvement du taux d’abattement fiscal à 50 % dans le cadre du régime micro-foncier. Cette mesure, adoptée lors des débats, illustre les tensions entre le gouvernement et une majorité parlementaire en quête de compromis.

La bataille politique à l’Assemblée nationale

Les débats autour du PLF 2025 ont été marqués par une intensité rare, reflet des fractures profondes qui traversent le paysage politique. À l’Assemblée nationale, la partie « recettes » du texte a été rejetée après trois semaines d’examen houleux. Plus de 3 500 amendements avaient été déposés, dont plusieurs visant à durcir la fiscalité sur les hauts revenus et les grandes entreprises.

Parmi les propositions les plus audacieuses : la création d’un « impôt Zucman » sur le patrimoine des milliardaires, une taxation renforcée des superdividendes et un conditionnement du crédit d’impôt recherche (CIR) pour limiter les délocalisations. Bien que certains amendements aient été adoptés, la majorité des propositions du gouvernement ont été rejetées, obligeant l’exécutif à revoir sa copie avant l’examen au Sénat.

Les collectivités locales sous pression

En parallèle, les collectivités locales sont appelées à contribuer à l’effort budgétaire, à hauteur de 5 milliards d’euros. Cette participation prendra la forme d’un gel des transferts de TVA et d’une réduction des compensations de taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Si le gouvernement promet de protéger les collectivités les plus fragiles, les grandes villes et régions dénoncent une « recentralisation budgétaire » qui met en péril leurs capacités d’investissement.

Des promesses d’économies, mais à quel prix ?

Du côté des dépenses de l’État, un gel des crédits ministériels à leur niveau de 2024 devrait générer 15 milliards d’économies. Pourtant, certains secteurs obtiennent des arbitrages favorables : la défense voit son budget augmenter à 50,5 milliards d’euros, conformément à la loi de programmation militaire, tandis que la justice et l’intérieur bénéficient de rallonges budgétaires. D’autres ministères, comme l’Éducation nationale ou le Travail, devront en revanche faire des sacrifices.

Une bataille budgétaire loin d’être terminée

Alors que le PLF 2025 poursuit son chemin législatif, l’incertitude reste de mise. Le Sénat, majoritairement opposé au gouvernement, promet des débats tout aussi animés. Pendant ce temps, l’exécutif doit faire face à une opinion publique de plus en plus critique, tiraillée entre la nécessité de redresser les comptes et le rejet des hausses d’impôts et des coupes budgétaires.

Le PLF 2025 n’est pas qu’un simple document comptable. C’est un véritable exercice d’équilibrisme, où chaque ligne budgétaire reflète une vision politique et des choix de société. Dans un contexte où les marges de manœuvre se réduisent, il reste à voir si le gouvernement saura convaincre, non seulement les parlementaires, mais aussi les Français. Une chose est sûre : les semaines à venir seront décisives pour l’avenir économique et politique du pays.

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