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Le retour du doute : quand le bitcoin trébuche sous les 75 000$

Quand le bitcoin flanche, c’est toute la confiance crypto qui vacille.

Publié le
10/4/25
, mis à jour le
9/4/25
April 9, 2025

Lundi dernier, le bitcoin a brusquement chuté pour frôler un plancher qu'il n’avait plus effleuré depuis novembre 2016, époque marquée par la surprise de l’élection de Donald Trump. Véritable baromètre de l’appétit pour le risque, la star des cryptomonnaies prend de plein fouet les doutes économiques actuels. Inflation persistante, politique monétaire stricte et tensions géopolitiques créent un cocktail d’incertitudes, et le bitcoin, autrefois vu comme refuge numérique, semble perdre de sa brillance. Que révèle vraiment ce désamour soudain ? Plongée dans les failles d’un marché qui tremble.

Le monde entier se souvient de cette nuit de novembre 2016 : Donald Trump créait la surprise en devenant président des États-Unis, un choc politique dont les répliques avaient ébranlé bien des marchés. Et cette semaine, comme un clin d’œil amer à cette époque où l’inattendu est devenu la norme, le bitcoin, cette devise numérique pourtant née en dehors des canons classiques de la finance, a titubé. En s’enfonçant brièvement sous les 75 000 dollars, il a ravivé les souvenirs d’une époque encore hésitante pour les cryptoactifs, interrogeant du même coup la vigueur du marché en ce début 2024.

Pourtant, ce chiffre ne devrait pas en soi être catastrophique. Après tout, le bitcoin a connu des soubresauts autrement plus douloureux par le passé. C’est plutôt ce que cette baisse sous ce seuil symbolique implique qui intrigue. Car derrière le prix s’affichant à l’écran, se cache une série de signaux faibles : un effritement de la confiance des investisseurs, une digestion difficile des politiques monétaires, une forme de lassitude vis-à-vis des promesses non tenues de la blockchain. La chute de lundi n’est pas une anomalie : elle est le reflet d’un rééquilibrage profond, presque existentiel, pour un actif censé bouleverser la finance traditionnelle.

Le mythe de la valeur refuge tient-il encore ?

Le bitcoin s’est bâti une réputation de “digital gold”, cet or 2.0 censé offrir une protection contre les contretemps du monde réel. Au fil des crises, de la pandémie à l’inflation galopante, il avait réussi à fédérer autour de lui une communauté de convaincus : particuliers aguerris, fonds spéculatifs, entreprises technophiles, et même quelques institutions financières autrefois réticentes. Mais à bien y regarder, cette image de valeur refuge s’écaille dès que la mer devient trop agitée.

Depuis quelques mois déjà, les indicateurs macroéconomiques s’assombrissent. L’inflation, jugée transitoire par les banques centrales en 2021, s’est révélée coriace. Les taux d’intérêt grimpent sans relâche, redessinant les arbitrages des investisseurs. Dans ce climat, le capital devient frileux, cherchant des havres plus sûrs. Fini les paris audacieux. Le bitcoin, hautement volatil, se retrouve requalifié : non pas rempart, mais actif spéculatif pur et dur. Sa récente dégringolade le rappelle avec fermeté.

2023, l’année de l’embellie… ou de l’illusion ?

Il faut dire que 2023 avait donné des raisons d’y croire. Après les turbulences de 2022 – scandale FTX, effondrement de Luna, méfiance généralisée – le bitcoin avait amorcé une impressionnante remontée. D’un peu plus de 16 000 dollars en janvier à près de 74 000 au printemps 2024, l’envolée laissait entrevoir un retour en grâce. Les “bitcoin bulls” voyaient déjà, de nouveau, la barre des 100 000 dollars en ligne de mire.

Cette dynamique haussière avait été alimentée par plusieurs leviers. D’abord, l’intérêt renouvelé des gestionnaires d’actifs traditionnels, à commencer par BlackRock, avec sa demande d’ETF spot sur le bitcoin. Ensuite, l’adoption croissante de la cryptomonnaie dans certains pays émergents cherchant à contourner les infrastructures bancaires classiques ou à se protéger d’une inflation nationale galopante. Enfin, une forme d’exubérance retrouvée : des jeunes investisseurs prêts à reprendre des risques, portés par l’optimisme post-Covid.

Mais certains analystes y voyaient déjà une bulle de courte durée. “Lorsque tout le monde devient haussier, il faut commencer à s’inquiéter”, ironisaient-ils en chaîne sur Twitter (désormais X). Et de nombreux signaux avant-coureurs – diminution des volumes, ralentissement de la croissance des portefeuilles actifs, concentration entre très gros acteurs – confirmaient que la fête pourrait être brève.

Les taux, cet ennemi invisible du bitcoin

Alors, qu’a-t-il donc déclenché cette nouvelle faiblesse du bitcoin ? Il ne s’agit pas d’un seul facteur mais d’une conjonction : ralentissement économique mondial, envolée des rendements obligataires américains, revalorisation du dollar, et surtout… la politique de la Fed.

En maintenant ses taux à un niveau élevé, la Réserve fédérale américaine soulève une question fondamentale : dans quelle mesure le bitcoin peut-il résister à un environnement monétaire rigide ? Car face à des rendements de plus en plus attractifs sur les bons du Trésor, les investisseurs réorientent leur capital. Moins de capital pour le bitcoin, plus pour les actifs sûrs, au détriment des cryptomonnaies et autres valeurs technologiques.

Et ce n’est pas tout. L’incertitude politique demeure grande. Les élections américaines approchent, et à moins d’un an du scrutin, Wall Street se met déjà en mode “wait and see”. Pour un produit aussi sensible à l’air du temps que le bitcoin, cela suffit à créer des soubresauts.

Le récit qui flanche

Mais cette mésaventure du bitcoin est plus qu’une simple réaction de marché. Elle met à nu un problème plus profond : celui de la narration. Depuis sa création, le bitcoin s’est imposé comme bien plus qu’un actif financier. C’était un symbole. Une révolte contre les banques centrales. Un outil d’émancipation. Un levier d’inclusion financière.

Or aujourd’hui, cette narration se brouille. Le bitcoin est-il encore un outil de résistance, ou un actif pour fonds d’investissement en quête de diversification ? Est-il une monnaie du peuple ou un produit d’ingénierie financière concentré dans les mains de quelques géants technologiques ? Chaque baisse interroge un peu plus cette perte de repères. Et ce retour au niveau post-Trump renforce cette idée : le rêve initial est peut-être en train de se heurter à la dure réalité du capitalisme globalisé.

Et maintenant ?

L’avenir du bitcoin, à court terme, s’annonce délicat. Il devra naviguer dans une mer agitée, entre régulations plus strictes, appétit amoindri pour le risque, et concurrence accrue avec d’autres actifs numériques dits “plus stables” comme les stablecoins ou les tokens adossés à des devises réelles. Les régulateurs américains et européens ne cachent plus leur volonté de mettre de l’ordre dans la jungle crypto, ce qui pourrait à la fois rassurer et effrayer selon le degré d’intégration souhaité.

Pour autant, enterrer le bitcoin serait prématuré. Il a survécu à bien des crises, à des chutes violentes, à des hivers sans fin. Sa résilience n’est plus à démontrer. C’est sa nature spéculative qui, aujourd’hui, rebat les cartes. Loin d’être un actif hors-sol, il obéit désormais aux mêmes forces que les autres : taux d’intérêt, flux de capitaux, géopolitique mondiale.

Il suffit de regarder les comportements récents des grands investisseurs pour comprendre que beaucoup, plutôt que de fuir, attendent le prochain mouvement. Les plus avertis savent que chaque cycle de baisse recèle des opportunités. Mais ils savent aussi que nous sommes peut-être à la croisée des chemins : le bitcoin ne pourra pas éternellement vivre sur sa légende. Il devra, tôt ou tard, faire ses preuves comme véritable actif de long terme.

Conclusion

Le retour brutal sous les 75 000 dollars marque plus qu’une simple baisse technique. Il signe un moment charnière pour le bitcoin, une prise de conscience que quelque chose a changé. Finie l’euphorie gratuite, place aux réalités économiques. Alors que le prochain halving approche, que les modèles de croissance se redessinent et que les investisseurs recalibrent leurs portefeuilles, la cryptosphère va devoir répondre à une question cruciale : quel est encore le rôle du bitcoin dans le monde d’aujourd’hui ?

Animé par la mission de rendre la finance et l'économie plus claires et accessibles, Tristan aide à décrypter les tendances complexes et à explorer des voies alternatives pour répondre aux enjeux globaux de demain. Expert en finance durable, économie et transition énergétique, il partage ses analyses pour participer à la prise de conscience des enjeux et au progrès sociétal.

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Le retour du doute : quand le bitcoin trébuche sous les 75 000$

Publié le
April 10, 2025
, mis à jour le
9/4/25
April 9, 2025

Lundi dernier, le bitcoin a brusquement chuté pour frôler un plancher qu'il n’avait plus effleuré depuis novembre 2016, époque marquée par la surprise de l’élection de Donald Trump. Véritable baromètre de l’appétit pour le risque, la star des cryptomonnaies prend de plein fouet les doutes économiques actuels. Inflation persistante, politique monétaire stricte et tensions géopolitiques créent un cocktail d’incertitudes, et le bitcoin, autrefois vu comme refuge numérique, semble perdre de sa brillance. Que révèle vraiment ce désamour soudain ? Plongée dans les failles d’un marché qui tremble.

Le monde entier se souvient de cette nuit de novembre 2016 : Donald Trump créait la surprise en devenant président des États-Unis, un choc politique dont les répliques avaient ébranlé bien des marchés. Et cette semaine, comme un clin d’œil amer à cette époque où l’inattendu est devenu la norme, le bitcoin, cette devise numérique pourtant née en dehors des canons classiques de la finance, a titubé. En s’enfonçant brièvement sous les 75 000 dollars, il a ravivé les souvenirs d’une époque encore hésitante pour les cryptoactifs, interrogeant du même coup la vigueur du marché en ce début 2024.

Pourtant, ce chiffre ne devrait pas en soi être catastrophique. Après tout, le bitcoin a connu des soubresauts autrement plus douloureux par le passé. C’est plutôt ce que cette baisse sous ce seuil symbolique implique qui intrigue. Car derrière le prix s’affichant à l’écran, se cache une série de signaux faibles : un effritement de la confiance des investisseurs, une digestion difficile des politiques monétaires, une forme de lassitude vis-à-vis des promesses non tenues de la blockchain. La chute de lundi n’est pas une anomalie : elle est le reflet d’un rééquilibrage profond, presque existentiel, pour un actif censé bouleverser la finance traditionnelle.

Le mythe de la valeur refuge tient-il encore ?

Le bitcoin s’est bâti une réputation de “digital gold”, cet or 2.0 censé offrir une protection contre les contretemps du monde réel. Au fil des crises, de la pandémie à l’inflation galopante, il avait réussi à fédérer autour de lui une communauté de convaincus : particuliers aguerris, fonds spéculatifs, entreprises technophiles, et même quelques institutions financières autrefois réticentes. Mais à bien y regarder, cette image de valeur refuge s’écaille dès que la mer devient trop agitée.

Depuis quelques mois déjà, les indicateurs macroéconomiques s’assombrissent. L’inflation, jugée transitoire par les banques centrales en 2021, s’est révélée coriace. Les taux d’intérêt grimpent sans relâche, redessinant les arbitrages des investisseurs. Dans ce climat, le capital devient frileux, cherchant des havres plus sûrs. Fini les paris audacieux. Le bitcoin, hautement volatil, se retrouve requalifié : non pas rempart, mais actif spéculatif pur et dur. Sa récente dégringolade le rappelle avec fermeté.

2023, l’année de l’embellie… ou de l’illusion ?

Il faut dire que 2023 avait donné des raisons d’y croire. Après les turbulences de 2022 – scandale FTX, effondrement de Luna, méfiance généralisée – le bitcoin avait amorcé une impressionnante remontée. D’un peu plus de 16 000 dollars en janvier à près de 74 000 au printemps 2024, l’envolée laissait entrevoir un retour en grâce. Les “bitcoin bulls” voyaient déjà, de nouveau, la barre des 100 000 dollars en ligne de mire.

Cette dynamique haussière avait été alimentée par plusieurs leviers. D’abord, l’intérêt renouvelé des gestionnaires d’actifs traditionnels, à commencer par BlackRock, avec sa demande d’ETF spot sur le bitcoin. Ensuite, l’adoption croissante de la cryptomonnaie dans certains pays émergents cherchant à contourner les infrastructures bancaires classiques ou à se protéger d’une inflation nationale galopante. Enfin, une forme d’exubérance retrouvée : des jeunes investisseurs prêts à reprendre des risques, portés par l’optimisme post-Covid.

Mais certains analystes y voyaient déjà une bulle de courte durée. “Lorsque tout le monde devient haussier, il faut commencer à s’inquiéter”, ironisaient-ils en chaîne sur Twitter (désormais X). Et de nombreux signaux avant-coureurs – diminution des volumes, ralentissement de la croissance des portefeuilles actifs, concentration entre très gros acteurs – confirmaient que la fête pourrait être brève.

Les taux, cet ennemi invisible du bitcoin

Alors, qu’a-t-il donc déclenché cette nouvelle faiblesse du bitcoin ? Il ne s’agit pas d’un seul facteur mais d’une conjonction : ralentissement économique mondial, envolée des rendements obligataires américains, revalorisation du dollar, et surtout… la politique de la Fed.

En maintenant ses taux à un niveau élevé, la Réserve fédérale américaine soulève une question fondamentale : dans quelle mesure le bitcoin peut-il résister à un environnement monétaire rigide ? Car face à des rendements de plus en plus attractifs sur les bons du Trésor, les investisseurs réorientent leur capital. Moins de capital pour le bitcoin, plus pour les actifs sûrs, au détriment des cryptomonnaies et autres valeurs technologiques.

Et ce n’est pas tout. L’incertitude politique demeure grande. Les élections américaines approchent, et à moins d’un an du scrutin, Wall Street se met déjà en mode “wait and see”. Pour un produit aussi sensible à l’air du temps que le bitcoin, cela suffit à créer des soubresauts.

Le récit qui flanche

Mais cette mésaventure du bitcoin est plus qu’une simple réaction de marché. Elle met à nu un problème plus profond : celui de la narration. Depuis sa création, le bitcoin s’est imposé comme bien plus qu’un actif financier. C’était un symbole. Une révolte contre les banques centrales. Un outil d’émancipation. Un levier d’inclusion financière.

Or aujourd’hui, cette narration se brouille. Le bitcoin est-il encore un outil de résistance, ou un actif pour fonds d’investissement en quête de diversification ? Est-il une monnaie du peuple ou un produit d’ingénierie financière concentré dans les mains de quelques géants technologiques ? Chaque baisse interroge un peu plus cette perte de repères. Et ce retour au niveau post-Trump renforce cette idée : le rêve initial est peut-être en train de se heurter à la dure réalité du capitalisme globalisé.

Et maintenant ?

L’avenir du bitcoin, à court terme, s’annonce délicat. Il devra naviguer dans une mer agitée, entre régulations plus strictes, appétit amoindri pour le risque, et concurrence accrue avec d’autres actifs numériques dits “plus stables” comme les stablecoins ou les tokens adossés à des devises réelles. Les régulateurs américains et européens ne cachent plus leur volonté de mettre de l’ordre dans la jungle crypto, ce qui pourrait à la fois rassurer et effrayer selon le degré d’intégration souhaité.

Pour autant, enterrer le bitcoin serait prématuré. Il a survécu à bien des crises, à des chutes violentes, à des hivers sans fin. Sa résilience n’est plus à démontrer. C’est sa nature spéculative qui, aujourd’hui, rebat les cartes. Loin d’être un actif hors-sol, il obéit désormais aux mêmes forces que les autres : taux d’intérêt, flux de capitaux, géopolitique mondiale.

Il suffit de regarder les comportements récents des grands investisseurs pour comprendre que beaucoup, plutôt que de fuir, attendent le prochain mouvement. Les plus avertis savent que chaque cycle de baisse recèle des opportunités. Mais ils savent aussi que nous sommes peut-être à la croisée des chemins : le bitcoin ne pourra pas éternellement vivre sur sa légende. Il devra, tôt ou tard, faire ses preuves comme véritable actif de long terme.

Conclusion

Le retour brutal sous les 75 000 dollars marque plus qu’une simple baisse technique. Il signe un moment charnière pour le bitcoin, une prise de conscience que quelque chose a changé. Finie l’euphorie gratuite, place aux réalités économiques. Alors que le prochain halving approche, que les modèles de croissance se redessinent et que les investisseurs recalibrent leurs portefeuilles, la cryptosphère va devoir répondre à une question cruciale : quel est encore le rôle du bitcoin dans le monde d’aujourd’hui ?

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