économie

Nouvel épisode de la série House of cards: Trump circus

Quand Wall Street et les géants de la Silicon Valley s’invitent à la maison blanche, les grands châteaux de cartes de Trump s'effondrent.

Publié le
14/4/25
, mis à jour le
14/4/25
April 14, 2025

Dans l’interminable saga du bras de fer commercial entre Washington et Pékin, l'administration Trump vient de faire un geste inattendu : épargner les smartphones, ordinateurs et autres produits tech des surtaxes douanières infligées aux importations chinoises. Une décision certes stratégique — temporaire, même — mais surtout révélatrice des tensions économiques bridées par l'influence des géants du numérique. Décortiquons ensemble cet épisode où économie, technologie et realpolitik s’entremêlent.

Depuis son retour aux manettes en janvier 2025, Trump ne cesse de mettre de l'huile sur le feu du commerce international. Suivant le cycle des saisons, la chaleur monte. Mais cette année le réchauffement Trump les fait monter plus fort que prévu. Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ont été poussées au paroxysme la semaine dernière avec une surenchère des barrières douanières jusqu'à 125%! Depuis plus d'un siècle on n'avait jamais vu ça.

Donald Trump, président réputé pour son approche transactionnelle de la diplomatie, a enclenché une série de surtaxes douanières ciblant des centaines de milliards de dollars de produits chinois importés. Pourquoi ? Rétablir l’équilibre d’un commerce jugé injuste, forcer Pékin à revoir ses pratiques industrielles, et rapatrier une partie de la production sur le sol américain.

Et pourtant, dans ce climat de confrontation extrême, une nouvelle volte-face vient ajouter au discrédit de son auteur. Trump vient d'annoncer que le secteur de la tech sera finalement épargné. Smartphones, laptops, tablettes, accessoires connectés… autant de produits omniprésents qui, contre toute attente, ne subissent plus la vague de surtaxes annoncée. Par effet du prince. Pourtant, ce sont précisément ces produits qui, ironiquement, symbolisent l’interdépendance économique sino-américaine que Trump condamne publiquement. Alors pourquoi cette exception ?

Le dosage Trump : frapper sans se brûler

Il faut comprendre une chose : dans la guerre commerciale menée par l’administration Trump, la logique n’est pas strictement économique. Elle est, avant tout, politique. Chaque décision prise en matière de politique douanière est calibrée à l’aune de son impact sur le consommateur américain… et accessoirement, sur l’électeur.

Si le président a visé les produits industriels, les pièces détachées, ou encore les composants agricoles importés de l’Empire du Milieu, il a décidé d'évité d’alourdir la facture des produits très directement liés au quotidien des ménages, ou excelle des entreprises américaines. Pourquoi ? Parce qu’un iPhone à 1 400 dollars au lieu de 999, c’est une perte de pouvoir d’achat immédiate. Et plus encore, un mécontentement palpable qui peut se lire dans les urnes.

Tim Cook, le CEO d’Apple, n’en demandait pas tant. L’entreprise californienne, souvent présentée comme une vitrine de l’innovation américaine, assemble la grande majorité de ses produits en Chine. Une surtaxe sur ces produits aurait non seulement fait grimper leurs prix, mais aussi fragilisé l’image de marque d’un géant déjà sous pression. Ses marges, pourtant colossales, sont étroitement gérées ; une hausse brutale des coûts de production aurait obligé Apple à faire un choix entre rogner sur ses profits ou faire payer plus cher ses clients. Trump s'est bien fait rappeler à l'ordre par les puissantes entreprises de la Silicon Valley.

Trump n’a pas épargné Apple et les autres géants de la tech par sympathie. Il l’a fait parce que frapper là où ça fait mal — le panier du consommateur moyen — aurait torpillé sa popularité auprès de sa base électorale. La croissance, la consommation, la confiance des ménages : tout cela ne tient souvent qu’à peu de chose.

La chaîne de production mondiale, ou l'impossible découplage

Le cas des smartphones et ordinateurs met surtout en lumière une réalité que Washington tente depuis des années de contourner : l’addiction profonde de l’industrie technologique américaine à la production chinoise. Huawei, Foxconn, Pegatron – ces noms sonnent asiatiques, et pour cause : ils le sont. La fabrication du moindre iPad ou du plus basique smartphone Samsung implique souvent des dizaines de sous-traitants disséminés dans les zones industrielles chinoises.

Imposer une surtaxe à ces produits revient, dans les faits, à complexifier davantage une supply chain déjà mise à mal par les restrictions, les pénuries de composants (notamment pendant la pandémie), et la pression des actionnaires. À l’heure du “decoupling”, mot devenu tendance dans les milieux géopolitiques et financiers, les faits sont têtus : séparer les économies américaine et chinoise est un rêve qui se fracasse sur le mur de la réalité industrielle.

Et la Chine le sait. Pékin observe avec une précision chirurgicale les zones de vulnérabilité des États-Unis. Pour preuve, à chaque nouvelle annonce de Trump sur les droits de douane, la presse d’État chinoise réagit rapidement, souvent avec une ironie à peine voilée. Le message ? “Prenez garde à ne pas vous tirer une balle dans le pied”.

Une décision temporaire, mais politiquement lourde

La Maison-Blanche a beau habiller sa décision d’un langage diplomatique, elle n'a jamais caché son intention de maintenir une pression forte sur la Chine. Cette exemption temporaire pour les smartphones, les ordinateurs et autres appareils électroniques n'est donc pas une victoire chinoise, ni un aveu de faiblesse économique. C’est un sursis.

Tout laisse penser que cette manœuvre vise à maintenir ouverte une fenêtre de négociation. En évitant de pénaliser frontalement les grandes entreprises technologiques américaines, Trump garde un levier de pression tout en tentant d’apaiser certains contretemps internes à la guerre tarifaire. D’ailleurs, des représentants de l’administration ont bien signalé que cette exemption pourrait être réévaluée, voire levée, selon l’évolution des discussions avec Pékin.

Cette stratégie de “stop and go” accentue une impression de confusion permanente. Les marchés, eux, oscillent au rythme de ces annonces. Le secteur technologique, en particulier, est suspendu à chaque communiqué de la Maison-Blanche, tandis que les analystes jonglent avec les hypothèses : retour à la normale ? Escalade contrôlée ? Scénario du pire ?

Des gagnants, des perdants... beaucoup d'incertitudes et des milliards qui partent en fumée ou qui réapparaissent sur les marchés financiers en fonction du feux follet Trump.

Dans cette guerre tarifaire où le brouillard règne en maître, les vrais gagnants sont rares. Certes, les principaux groupes américains de la tech respirent un peu. Apple peut continuer à vendre ses produits sans trop revoir sa grille tarifaire. Microsoft, HP, Intel… tous peuvent encore s’appuyer sur leurs partenaires chinois sans trop d’arbitrages douloureux. Mais pour combien de temps ?

Les perdants, eux, se comptent en millions. Les PME américaines, souvent sous-traitantes des grands groupes, dépendent de composants venus de Chine pour asseoir leur compétitivité. Chaque fluctuation tarifaire est une embûche de plus dans une route déjà tortueuse. Et que dire des entreprises chinoises, clairement ciblées par cette guerre ? Fragilisées par la chute des exportations, contraints de diversifier en urgence leurs débouchés, certaines survivent à peine.

Entre les deux, les consommateurs. Étrangement silencieux pour l’instant — parce qu’épargnés — ils pourraient bien devenir, et très bientôt, les boucliers humains de cette guerre tarifaire si les exemptions venaient à tomber.

Et maintenant, que va-t-il se passer ?

La décision de Donald Trump d’exempter temporairement les produits tech de la surtaxe douanière n’a rien de définitif. Elle est aussi volatile que son mandat. C’est un instrument de négociation, un joker que le président peut brandir ou retirer selon les avancées — ou les blocages — dans les discussions avec la Chine.

Peut-on imaginer un futur où les smartphones vendus aux États-Unis ne proviendraient plus de Chine ? Certains y travaillent, et pas des moindres. Apple a déjà délocalisé une petite partie de sa production vers l’Inde et le Vietnam. D'autres géants – Dell, Lenovo – explorent aussi des voies alternatives. Mais ces projets prennent du temps, de l’argent, et nécessitent une stabilité réglementaire qui fait actuellement défaut.

Le scénario le plus probable, à court terme, reste donc celui d’une exemption prolongée, portée par une logique de “ne-pas-trop-se-faire-mal” en interne, tout en continuant à montrer les muscles vis-à-vis de la Chine. Mais il ne faudrait pas se méprendre : cette guerre tarifaire dépasse de loin le simple conflit bilatéral. Elle préfigure une recomposition géopolitique globale, dans laquelle chaque décision commerciale dessine les contours d’un nouvel ordre économique mondial.

Animé par la mission de rendre la finance et l'économie plus claires et accessibles, Tristan aide à décrypter les tendances complexes et à explorer des voies alternatives pour répondre aux enjeux globaux de demain. Expert en finance durable, économie et transition énergétique, il partage ses analyses pour participer à la prise de conscience des enjeux et au progrès sociétal.

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Nouvel épisode de la série House of cards: Trump circus

Publié le
April 14, 2025
, mis à jour le
14/4/25
April 14, 2025

Dans l’interminable saga du bras de fer commercial entre Washington et Pékin, l'administration Trump vient de faire un geste inattendu : épargner les smartphones, ordinateurs et autres produits tech des surtaxes douanières infligées aux importations chinoises. Une décision certes stratégique — temporaire, même — mais surtout révélatrice des tensions économiques bridées par l'influence des géants du numérique. Décortiquons ensemble cet épisode où économie, technologie et realpolitik s’entremêlent.

Depuis son retour aux manettes en janvier 2025, Trump ne cesse de mettre de l'huile sur le feu du commerce international. Suivant le cycle des saisons, la chaleur monte. Mais cette année le réchauffement Trump les fait monter plus fort que prévu. Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ont été poussées au paroxysme la semaine dernière avec une surenchère des barrières douanières jusqu'à 125%! Depuis plus d'un siècle on n'avait jamais vu ça.

Donald Trump, président réputé pour son approche transactionnelle de la diplomatie, a enclenché une série de surtaxes douanières ciblant des centaines de milliards de dollars de produits chinois importés. Pourquoi ? Rétablir l’équilibre d’un commerce jugé injuste, forcer Pékin à revoir ses pratiques industrielles, et rapatrier une partie de la production sur le sol américain.

Et pourtant, dans ce climat de confrontation extrême, une nouvelle volte-face vient ajouter au discrédit de son auteur. Trump vient d'annoncer que le secteur de la tech sera finalement épargné. Smartphones, laptops, tablettes, accessoires connectés… autant de produits omniprésents qui, contre toute attente, ne subissent plus la vague de surtaxes annoncée. Par effet du prince. Pourtant, ce sont précisément ces produits qui, ironiquement, symbolisent l’interdépendance économique sino-américaine que Trump condamne publiquement. Alors pourquoi cette exception ?

Le dosage Trump : frapper sans se brûler

Il faut comprendre une chose : dans la guerre commerciale menée par l’administration Trump, la logique n’est pas strictement économique. Elle est, avant tout, politique. Chaque décision prise en matière de politique douanière est calibrée à l’aune de son impact sur le consommateur américain… et accessoirement, sur l’électeur.

Si le président a visé les produits industriels, les pièces détachées, ou encore les composants agricoles importés de l’Empire du Milieu, il a décidé d'évité d’alourdir la facture des produits très directement liés au quotidien des ménages, ou excelle des entreprises américaines. Pourquoi ? Parce qu’un iPhone à 1 400 dollars au lieu de 999, c’est une perte de pouvoir d’achat immédiate. Et plus encore, un mécontentement palpable qui peut se lire dans les urnes.

Tim Cook, le CEO d’Apple, n’en demandait pas tant. L’entreprise californienne, souvent présentée comme une vitrine de l’innovation américaine, assemble la grande majorité de ses produits en Chine. Une surtaxe sur ces produits aurait non seulement fait grimper leurs prix, mais aussi fragilisé l’image de marque d’un géant déjà sous pression. Ses marges, pourtant colossales, sont étroitement gérées ; une hausse brutale des coûts de production aurait obligé Apple à faire un choix entre rogner sur ses profits ou faire payer plus cher ses clients. Trump s'est bien fait rappeler à l'ordre par les puissantes entreprises de la Silicon Valley.

Trump n’a pas épargné Apple et les autres géants de la tech par sympathie. Il l’a fait parce que frapper là où ça fait mal — le panier du consommateur moyen — aurait torpillé sa popularité auprès de sa base électorale. La croissance, la consommation, la confiance des ménages : tout cela ne tient souvent qu’à peu de chose.

La chaîne de production mondiale, ou l'impossible découplage

Le cas des smartphones et ordinateurs met surtout en lumière une réalité que Washington tente depuis des années de contourner : l’addiction profonde de l’industrie technologique américaine à la production chinoise. Huawei, Foxconn, Pegatron – ces noms sonnent asiatiques, et pour cause : ils le sont. La fabrication du moindre iPad ou du plus basique smartphone Samsung implique souvent des dizaines de sous-traitants disséminés dans les zones industrielles chinoises.

Imposer une surtaxe à ces produits revient, dans les faits, à complexifier davantage une supply chain déjà mise à mal par les restrictions, les pénuries de composants (notamment pendant la pandémie), et la pression des actionnaires. À l’heure du “decoupling”, mot devenu tendance dans les milieux géopolitiques et financiers, les faits sont têtus : séparer les économies américaine et chinoise est un rêve qui se fracasse sur le mur de la réalité industrielle.

Et la Chine le sait. Pékin observe avec une précision chirurgicale les zones de vulnérabilité des États-Unis. Pour preuve, à chaque nouvelle annonce de Trump sur les droits de douane, la presse d’État chinoise réagit rapidement, souvent avec une ironie à peine voilée. Le message ? “Prenez garde à ne pas vous tirer une balle dans le pied”.

Une décision temporaire, mais politiquement lourde

La Maison-Blanche a beau habiller sa décision d’un langage diplomatique, elle n'a jamais caché son intention de maintenir une pression forte sur la Chine. Cette exemption temporaire pour les smartphones, les ordinateurs et autres appareils électroniques n'est donc pas une victoire chinoise, ni un aveu de faiblesse économique. C’est un sursis.

Tout laisse penser que cette manœuvre vise à maintenir ouverte une fenêtre de négociation. En évitant de pénaliser frontalement les grandes entreprises technologiques américaines, Trump garde un levier de pression tout en tentant d’apaiser certains contretemps internes à la guerre tarifaire. D’ailleurs, des représentants de l’administration ont bien signalé que cette exemption pourrait être réévaluée, voire levée, selon l’évolution des discussions avec Pékin.

Cette stratégie de “stop and go” accentue une impression de confusion permanente. Les marchés, eux, oscillent au rythme de ces annonces. Le secteur technologique, en particulier, est suspendu à chaque communiqué de la Maison-Blanche, tandis que les analystes jonglent avec les hypothèses : retour à la normale ? Escalade contrôlée ? Scénario du pire ?

Des gagnants, des perdants... beaucoup d'incertitudes et des milliards qui partent en fumée ou qui réapparaissent sur les marchés financiers en fonction du feux follet Trump.

Dans cette guerre tarifaire où le brouillard règne en maître, les vrais gagnants sont rares. Certes, les principaux groupes américains de la tech respirent un peu. Apple peut continuer à vendre ses produits sans trop revoir sa grille tarifaire. Microsoft, HP, Intel… tous peuvent encore s’appuyer sur leurs partenaires chinois sans trop d’arbitrages douloureux. Mais pour combien de temps ?

Les perdants, eux, se comptent en millions. Les PME américaines, souvent sous-traitantes des grands groupes, dépendent de composants venus de Chine pour asseoir leur compétitivité. Chaque fluctuation tarifaire est une embûche de plus dans une route déjà tortueuse. Et que dire des entreprises chinoises, clairement ciblées par cette guerre ? Fragilisées par la chute des exportations, contraints de diversifier en urgence leurs débouchés, certaines survivent à peine.

Entre les deux, les consommateurs. Étrangement silencieux pour l’instant — parce qu’épargnés — ils pourraient bien devenir, et très bientôt, les boucliers humains de cette guerre tarifaire si les exemptions venaient à tomber.

Et maintenant, que va-t-il se passer ?

La décision de Donald Trump d’exempter temporairement les produits tech de la surtaxe douanière n’a rien de définitif. Elle est aussi volatile que son mandat. C’est un instrument de négociation, un joker que le président peut brandir ou retirer selon les avancées — ou les blocages — dans les discussions avec la Chine.

Peut-on imaginer un futur où les smartphones vendus aux États-Unis ne proviendraient plus de Chine ? Certains y travaillent, et pas des moindres. Apple a déjà délocalisé une petite partie de sa production vers l’Inde et le Vietnam. D'autres géants – Dell, Lenovo – explorent aussi des voies alternatives. Mais ces projets prennent du temps, de l’argent, et nécessitent une stabilité réglementaire qui fait actuellement défaut.

Le scénario le plus probable, à court terme, reste donc celui d’une exemption prolongée, portée par une logique de “ne-pas-trop-se-faire-mal” en interne, tout en continuant à montrer les muscles vis-à-vis de la Chine. Mais il ne faudrait pas se méprendre : cette guerre tarifaire dépasse de loin le simple conflit bilatéral. Elle préfigure une recomposition géopolitique globale, dans laquelle chaque décision commerciale dessine les contours d’un nouvel ordre économique mondial.

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