économie

De l’atome à la vie : comment Framatome soigne l’avenir depuis Romans-sur-Isère

Centrales hier, santé demain, le savoir-faire atomique de Framatome se transforme en espoir médical.

Par
Dividendes
Publié le
25/4/25
, mis à jour le
25/4/25
April 25, 2025
Rubriques

À Romans-sur-Isère, un site emblématique du nucléaire français opère une révolution discrète mais déterminante. Framatome, acteur historique de l’industrie atomique, se diversifie vers le secteur de la santé en produisant des composants essentiels à la médecine nucléaire. Une mutation stratégique qui illustre la capacité d’adaptation d’un fleuron industriel face aux besoins croissants d’un monde en profonde mutation, entre transition énergétique et enjeux de santé publique. Ce virage vers le médical conjugue expertise de pointe, réindustrialisation et innovation civile.

Entre les réacteurs et les hôpitaux, un même noyau dur d’expertise

Lorsqu'on évoque Framatome, le premier réflexe porte naturellement vers les turbines, les circuits primaires, les installations sensibles où l’atome devient énergie. Mais à Romans-sur-Isère, ce que l’on fabrique commence aussi à écrire un nouveau chapitre, moins bruyant, mais autrement vital : des équipements destinés à la production de radio-isotopes pour la médecine. Ces composants, appelés cibles d’irradiation, permettront de sauver des vies. Et cette évolution ne doit rien au hasard.

Dans cette ville de la Drôme, où l’on vit depuis des décennies avec le cœur battant d’un site nucléaire, l’industrie se réinvente en silence – mais avec ambition. Depuis quelque temps déjà, Framatome a compris que la compétence technologique accumulée depuis des décennies sur ses chaînes de production pouvait avoir d’autres débouchés que les seuls réacteurs. L’entreprise y produit maintenant des éléments clé pour la santé, ce secteur où précision, sûreté et innovation sont aussi exigents que dans l’univers nucléaire. Un pont entre deux mondes, construits sur les mêmes exigences.

Des isotopes pour diagnostiquer, traiter et espérer

Mais que fabrique-t-on exactement à Romans-sur-Isère pour la médecine ? Pour bien comprendre, il faut plonger brièvement dans l’univers de la médecine nucléaire. Cette discipline, discrète mais décisive, repose sur l’usage d’isotopes radioactifs à durée de vie très courte. Injectés dans le corps, ces éléments permettent d’obtenir des images d’une extrême précision des organes ou de cibler spécifiquement les cellules cancéreuses, sans endommager les tissus environnants.

Parmi les plus couramment utilisés, on trouve le Technetium-99m ou encore l’Iode-131. Ces isotopes ne se trouvent pas tels quels dans la nature : ils sont produits en irradiant des matériaux cibles dans des réacteurs de recherche ou des accélérateurs de particules. Et c’est précisément là qu’interviennent les fameuses cibles développées par Framatome : ces éléments métalliques conçus pour résister à de très fortes radiations tout en permettant la production stable et sûre des isotopes médicaux nécessaires.

Si ces termes techniques évoquent d’abord des installations ultra-sécurisées et des manipulations complexes, ils servent en définitive des gestes simples de la médecine quotidienne. Derrière chaque scintigraphie cardiaque, chaque imagerie osseuse ou protocole thérapeutique contre certains cancers se cache un processus industriel extrêmement pointu. À Romans, l’atome devient ainsi une source de vie, et plus seulement d’énergie.

Pourquoi Framatome se tourne-t-il vers la santé ?

Cette évolution n’est pas anecdotique. Elle est d’abord stratégique. Historiquement concentrée sur la filière nucléaire civile, que ce soit en France ou à l’international, Framatome a vu son environnement changer radicalement depuis une décennie. Longtemps en position défensive face aux critiques sur le nucléaire, l’entreprise reprend désormais son souffle grâce à la relance du nucléaire impulsée par les politiques de transition énergétique, notamment en France avec le plan France 2030.

Mais cette relance ne suffit pas à garantir un avenir durable si elle repose uniquement sur les réacteurs électrogènes. Pour Framatome, il s’agit alors de diversifier ses activités. Le médical apparaît comme une extension naturelle : même degré d’exigence, même culture de sûreté, et surtout, une demande mondiale en forte croissance. Le marché des radio-isotopes médicaux est en plein essor, stimulé à la fois par le vieillissement de la population, les progrès de l’imagerie diagnostique et les innovations thérapeutiques.

S’implanter dans cette filière, c’est se positionner sur une chaîne stratégique, autrefois dominée par quelques acteurs internationaux et aujourd’hui menacée de pénurie. Réindustrialiser la production de composants cruciaux pour cette chaîne est aussi une réponse à la fragilité des circuits d’approvisionnement mondiaux, révélée par les crises sanitaires et géopolitiques récentes.

Romans-sur-Isère, un terreau fertile pour cette transformation

Le choix du site de Romans-sur-Isère pour développer cette branche médicale n’est pas fortuit. Ce territoire conjugue plusieurs atouts : une histoire industrielle riche, un vivier d’ingénieurs et de techniciens spécialisés, une proximité avec d’autres bassins de compétences technologiques, mais également un soutien politique à la réindustrialisation locale. Et Framatome ne fait pas les choses à moitié : plus de 100 postes sont à pourvoir d’ici 2025, preuve d’un investissement humain ancré dans la durée.

L’usine se métamorphose ainsi peu à peu, tout en conservant sa structure nucléaire rigoureuse. Les ateliers sont en partie reconfigurés, les lignes de production adaptées, et les outils de contrôle qualité encore renforcés pour satisfaire les standards très stricts du secteur médical. Une transformation qui ne se contente pas de produire différemment, mais qui redonne aussi du sens au geste industriel : faire de la haute technologie dans l’intérêt direct de la santé publique.

Quel modèle économique derrière cette diversification ?

Derrière la noble ambition de contribuer à la médecine se cache évidemment une logique économique. En s’appuyant sur ses compétences existantes, Framatome réduit ses coûts d’entrée sur un marché porteur. L’entreprise capitalise sur ses infrastructures de tests, sur ses procédés de traitement des matériaux rares, sur sa logistique sécurisée. Autant d’atouts qui rendent sa proposition commerciale crédible auprès des grands groupes pharmaceutiques et des instituts médicaux.

Mais au-delà des aspects comptables, c’est une forme de résilience industrielle qui s’illustre ici. En s’ouvrant à de nouveaux marchés, Framatome réduit sa dépendance aux cycles parfois incertains du nucléaire énergétique. Elle démontre aussi la capacité d’un fleuron traditionnel à se renouveler sans renier son ADN technologique. Ce modèle économique mixte, à la croisée des grands équipements et des activités de niche à forte valeur ajoutée, pourrait bien dessiner le futur de nombreux acteurs de l’industrie française.

Une stratégie alignée avec les politiques publiques

Dans le sillage du plan France 2030, Framatome inscrit parfaitement son initiative dans les grands axes fixés par l’État : relancer le nucléaires civil, certes, mais aussi renforcer la souveraineté industrielle dans les secteurs stratégiques, santé en tête. La pandémie de Covid-19 a montré à quel point nous étions dépendants de producteurs étrangers pour des biens aussi cruciaux que les diagnostics médicaux ou les équipements de traitement.

En faisant de la médecine nucléaire un pilier de sa stratégie, Framatome répond à cette nécessité de reprendre le contrôle sur des productions vitales. Et en localisant ces activités sur le territoire, elle participe pleinement à cette dynamique de réindustrialisation promise par le gouvernement. L’initiative bénéficie d’un bon accueil local, tant du côté des élus que des acteurs économiques, conscients de l’enjeu en matière d’emploi et de rayonnement territorial.

À l’intersection d’un nouveau paradigme industriel

Romans-sur-Isère devient ainsi, très concrètement, un terrain d’expérimentation d’un nouveau paradigme industriel. On y voit poindre une économie fondée sur la circulation des compétences entre secteurs autrefois étanches, sur la convergence de la technologie et de la santé, sur la réappropriation des moyens de production les plus critiques. Un territoire où technologie rime avec utilité, où innovation n’est pas un slogan mais une réponse aux urgences du présent.

Les cadres, les techniciens, les opérateurs qui œuvrent à cette transition ne changent pas fondamentalement de métier. Mais ils trouvent dans cette nouvelle mission une résonance différente. À travers la production de composants médicaux, un lien s’établit entre leur quotidien industriel et les besoins concrets des patients, quelque part en France ou dans le monde. Ce n’est plus un simple réacteur qu’ils alimentent, mais une chaîne de vie.

Et demain ? Un avenir ouvert pour l’industrie française

Ce que Framatome expérimente à Romans, bien au-delà de son périmètre immédiat, est une démonstration : la transformation industrielle est possible, même dans les secteurs les plus spécialisés et réglementés. Elle nécessite vision, investissement, adaptabilité. Mais elle ouvre des perspectives enthousiasmantes, tant pour l'industrie que pour des secteurs à haute technologie souffrant de désamour.

Dividendes
économie

De l’atome à la vie : comment Framatome soigne l’avenir depuis Romans-sur-Isère

Par
Dividendes
Publié le
April 25, 2025
, mis à jour le
25/4/25
April 25, 2025
Rubriques

À Romans-sur-Isère, un site emblématique du nucléaire français opère une révolution discrète mais déterminante. Framatome, acteur historique de l’industrie atomique, se diversifie vers le secteur de la santé en produisant des composants essentiels à la médecine nucléaire. Une mutation stratégique qui illustre la capacité d’adaptation d’un fleuron industriel face aux besoins croissants d’un monde en profonde mutation, entre transition énergétique et enjeux de santé publique. Ce virage vers le médical conjugue expertise de pointe, réindustrialisation et innovation civile.

Entre les réacteurs et les hôpitaux, un même noyau dur d’expertise

Lorsqu'on évoque Framatome, le premier réflexe porte naturellement vers les turbines, les circuits primaires, les installations sensibles où l’atome devient énergie. Mais à Romans-sur-Isère, ce que l’on fabrique commence aussi à écrire un nouveau chapitre, moins bruyant, mais autrement vital : des équipements destinés à la production de radio-isotopes pour la médecine. Ces composants, appelés cibles d’irradiation, permettront de sauver des vies. Et cette évolution ne doit rien au hasard.

Dans cette ville de la Drôme, où l’on vit depuis des décennies avec le cœur battant d’un site nucléaire, l’industrie se réinvente en silence – mais avec ambition. Depuis quelque temps déjà, Framatome a compris que la compétence technologique accumulée depuis des décennies sur ses chaînes de production pouvait avoir d’autres débouchés que les seuls réacteurs. L’entreprise y produit maintenant des éléments clé pour la santé, ce secteur où précision, sûreté et innovation sont aussi exigents que dans l’univers nucléaire. Un pont entre deux mondes, construits sur les mêmes exigences.

Des isotopes pour diagnostiquer, traiter et espérer

Mais que fabrique-t-on exactement à Romans-sur-Isère pour la médecine ? Pour bien comprendre, il faut plonger brièvement dans l’univers de la médecine nucléaire. Cette discipline, discrète mais décisive, repose sur l’usage d’isotopes radioactifs à durée de vie très courte. Injectés dans le corps, ces éléments permettent d’obtenir des images d’une extrême précision des organes ou de cibler spécifiquement les cellules cancéreuses, sans endommager les tissus environnants.

Parmi les plus couramment utilisés, on trouve le Technetium-99m ou encore l’Iode-131. Ces isotopes ne se trouvent pas tels quels dans la nature : ils sont produits en irradiant des matériaux cibles dans des réacteurs de recherche ou des accélérateurs de particules. Et c’est précisément là qu’interviennent les fameuses cibles développées par Framatome : ces éléments métalliques conçus pour résister à de très fortes radiations tout en permettant la production stable et sûre des isotopes médicaux nécessaires.

Si ces termes techniques évoquent d’abord des installations ultra-sécurisées et des manipulations complexes, ils servent en définitive des gestes simples de la médecine quotidienne. Derrière chaque scintigraphie cardiaque, chaque imagerie osseuse ou protocole thérapeutique contre certains cancers se cache un processus industriel extrêmement pointu. À Romans, l’atome devient ainsi une source de vie, et plus seulement d’énergie.

Pourquoi Framatome se tourne-t-il vers la santé ?

Cette évolution n’est pas anecdotique. Elle est d’abord stratégique. Historiquement concentrée sur la filière nucléaire civile, que ce soit en France ou à l’international, Framatome a vu son environnement changer radicalement depuis une décennie. Longtemps en position défensive face aux critiques sur le nucléaire, l’entreprise reprend désormais son souffle grâce à la relance du nucléaire impulsée par les politiques de transition énergétique, notamment en France avec le plan France 2030.

Mais cette relance ne suffit pas à garantir un avenir durable si elle repose uniquement sur les réacteurs électrogènes. Pour Framatome, il s’agit alors de diversifier ses activités. Le médical apparaît comme une extension naturelle : même degré d’exigence, même culture de sûreté, et surtout, une demande mondiale en forte croissance. Le marché des radio-isotopes médicaux est en plein essor, stimulé à la fois par le vieillissement de la population, les progrès de l’imagerie diagnostique et les innovations thérapeutiques.

S’implanter dans cette filière, c’est se positionner sur une chaîne stratégique, autrefois dominée par quelques acteurs internationaux et aujourd’hui menacée de pénurie. Réindustrialiser la production de composants cruciaux pour cette chaîne est aussi une réponse à la fragilité des circuits d’approvisionnement mondiaux, révélée par les crises sanitaires et géopolitiques récentes.

Romans-sur-Isère, un terreau fertile pour cette transformation

Le choix du site de Romans-sur-Isère pour développer cette branche médicale n’est pas fortuit. Ce territoire conjugue plusieurs atouts : une histoire industrielle riche, un vivier d’ingénieurs et de techniciens spécialisés, une proximité avec d’autres bassins de compétences technologiques, mais également un soutien politique à la réindustrialisation locale. Et Framatome ne fait pas les choses à moitié : plus de 100 postes sont à pourvoir d’ici 2025, preuve d’un investissement humain ancré dans la durée.

L’usine se métamorphose ainsi peu à peu, tout en conservant sa structure nucléaire rigoureuse. Les ateliers sont en partie reconfigurés, les lignes de production adaptées, et les outils de contrôle qualité encore renforcés pour satisfaire les standards très stricts du secteur médical. Une transformation qui ne se contente pas de produire différemment, mais qui redonne aussi du sens au geste industriel : faire de la haute technologie dans l’intérêt direct de la santé publique.

Quel modèle économique derrière cette diversification ?

Derrière la noble ambition de contribuer à la médecine se cache évidemment une logique économique. En s’appuyant sur ses compétences existantes, Framatome réduit ses coûts d’entrée sur un marché porteur. L’entreprise capitalise sur ses infrastructures de tests, sur ses procédés de traitement des matériaux rares, sur sa logistique sécurisée. Autant d’atouts qui rendent sa proposition commerciale crédible auprès des grands groupes pharmaceutiques et des instituts médicaux.

Mais au-delà des aspects comptables, c’est une forme de résilience industrielle qui s’illustre ici. En s’ouvrant à de nouveaux marchés, Framatome réduit sa dépendance aux cycles parfois incertains du nucléaire énergétique. Elle démontre aussi la capacité d’un fleuron traditionnel à se renouveler sans renier son ADN technologique. Ce modèle économique mixte, à la croisée des grands équipements et des activités de niche à forte valeur ajoutée, pourrait bien dessiner le futur de nombreux acteurs de l’industrie française.

Une stratégie alignée avec les politiques publiques

Dans le sillage du plan France 2030, Framatome inscrit parfaitement son initiative dans les grands axes fixés par l’État : relancer le nucléaires civil, certes, mais aussi renforcer la souveraineté industrielle dans les secteurs stratégiques, santé en tête. La pandémie de Covid-19 a montré à quel point nous étions dépendants de producteurs étrangers pour des biens aussi cruciaux que les diagnostics médicaux ou les équipements de traitement.

En faisant de la médecine nucléaire un pilier de sa stratégie, Framatome répond à cette nécessité de reprendre le contrôle sur des productions vitales. Et en localisant ces activités sur le territoire, elle participe pleinement à cette dynamique de réindustrialisation promise par le gouvernement. L’initiative bénéficie d’un bon accueil local, tant du côté des élus que des acteurs économiques, conscients de l’enjeu en matière d’emploi et de rayonnement territorial.

À l’intersection d’un nouveau paradigme industriel

Romans-sur-Isère devient ainsi, très concrètement, un terrain d’expérimentation d’un nouveau paradigme industriel. On y voit poindre une économie fondée sur la circulation des compétences entre secteurs autrefois étanches, sur la convergence de la technologie et de la santé, sur la réappropriation des moyens de production les plus critiques. Un territoire où technologie rime avec utilité, où innovation n’est pas un slogan mais une réponse aux urgences du présent.

Les cadres, les techniciens, les opérateurs qui œuvrent à cette transition ne changent pas fondamentalement de métier. Mais ils trouvent dans cette nouvelle mission une résonance différente. À travers la production de composants médicaux, un lien s’établit entre leur quotidien industriel et les besoins concrets des patients, quelque part en France ou dans le monde. Ce n’est plus un simple réacteur qu’ils alimentent, mais une chaîne de vie.

Et demain ? Un avenir ouvert pour l’industrie française

Ce que Framatome expérimente à Romans, bien au-delà de son périmètre immédiat, est une démonstration : la transformation industrielle est possible, même dans les secteurs les plus spécialisés et réglementés. Elle nécessite vision, investissement, adaptabilité. Mais elle ouvre des perspectives enthousiasmantes, tant pour l'industrie que pour des secteurs à haute technologie souffrant de désamour.

Rubriques