économie

Jusqu’où Donald Trump peut-il tenir tête aux marchés avant la rupture ?

Croissance en jeu, Bourse en chute, pression maximale : Trump joue gros sous la menace d’une récession.

Publié le
11/4/25
, mis à jour le
11/4/25
April 11, 2025

Les marchés financiers mondiaux sont entrés dans une zone de turbulences, alimentées par les tensions commerciales entre Washington et Pékin. Les indices boursiers plongent, les multinationales s'inquiètent, et les investisseurs commencent à lâcher prise. Mais Donald Trump tient bon. Pour combien de temps encore ? Ce bras de fer entre la Maison Blanche et les marchés pourrait bien devenir le test ultime de la stratégie économique du président américain. Et si l'économie réelle se mettait à vaciller, le vernis de fermeté pourrait craquer.

Donald Trump face aux marchés : combien de temps avant le repli stratégique ?

Dans le grand théâtre de la politique économique, certains leaders adoptent l’image du négociateur impitoyable, du joueur d’échecs aux nerfs d’acier, insensible aux soubresauts des marchés. Donald Trump cultive précisément cette posture depuis ses premiers jours à la Maison Blanche. Le président américain a toujours présenté la guerre commerciale avec la Chine comme un bras de fer nécessaire, voire vertueux, destiné à rééquilibrer les termes d’un commerce international injuste pour les États-Unis. Mais derrière le rideau de la rhétorique, les marchés, eux, envoient un tout autre message : celui de la nervosité, du doute et de la méfiance. Alors, la question qui s’impose désormais est limpide : jusqu’à quand Donald Trump pourra-t-il défier les marchés sans que ceux-ci ne prennent définitivement le dessus ?

La stratégie du chaos contrôlé

Depuis 2018, Trump a brandi les droits de douane comme une arme centrale de sa politique étrangère et économique. En taxant à hauteur de 25 % plusieurs centaines de milliards de dollars de produits chinois, il a voulu faire plier Pékin et rétablir un certain "fair trade", à défaut du "free trade". Selon lui, dans une logique romantique d’homme d’affaires dur-à-cuire, les États-Unis ont tout à gagner de cette confrontation tant que "l’autre camp" souffre davantage.

Alors que l’on pensait que cette stratégie culminerait en 2019 avant une désescalade, les tensions commerciales ont connu un regain d’intensité. La Chine a riposté avec ses propres tarifs, les discussions se sont durcies, et depuis plusieurs mois, l’optimisme laisse place à l’inquiétude. Et pour une bonne raison : les investisseurs n’ont pas affaire à un banquier central prévisible ou à un ministre des Finances diplomate, mais à un président qui fait de l’imprévisibilité un art politique. Résultat : l’ambiance à Wall Street s’est sérieusement refroidie.

La Bourse déteste l’incertitude, et Donald Trump en fait sa matière première. En voulant maintenir la pression sur Pékin, il joue un jeu périlleux. Car plus les marchés tanguent, plus l'économie réelle montre des signes de fragilité. Et plus ses adversaires politiques trouvent un terrain favorable pour l’attaquer.

Wall Street commence à tirer la sonnette d’alarme

Lundi noir à New York. Le Dow Jones en chute de plus de 600 points, le Nasdaq dans le rouge, le S&P 500 en retrait significatif : les places américaines ont vécu une séance de net repli suite à l’annonce de nouvelles sanctions tarifaires, provoquant une onde de choc. Ce n’est pas la première fois que les marchés réagissent mal à un durcissement du ton entre les deux superpuissances économiques. Mais cette fois, l’horizon semble plus chargé que jamais.

Au-delà des indices, ce sont les grandes entreprises américaines qui commencent à faire pression. Les multinationales technologiques, profondément dépendantes de leur chaîne d’approvisionnement en Chine, redoutent l’implantation durable d’un régime douanier défavorable. Les industriels craignent une hausse inévitable de leurs coûts de production. Et même dans le secteur agricole – socle électoral pourtant favorable à Trump – les pertes s’accumulent. Le tout, dans un contexte où la Fed paraît désormais plus soucieuse de stabiliser l’économie que de renforcer le dollar.

Larry Fink, le PDG de BlackRock – gestionnaire d’actifs influent – demande une trêve. Des voix s’élèvent au sein même du camp républicain. Trump, en acceptant une escalade sans retour immédiat, pousse les marchés au bord de la crise de confiance. Or, dans le système américain, si les marchés décrochent durablement, c’est tout le climat psychologique de l’investissement et de la consommation qui s’en ressent. Plus que des statistiques, la Bourse influence l’état d’esprit collectif.

La résilience économique : un bouclier en voie d’effritement

Jusqu’à aujourd’hui, Donald Trump a bénéficié d’une croissance relativement stable, d’un taux de chômage historiquement bas et d’une consommation intérieure robuste. Ce tableau flatteur servait à justifier sa politique commerciale offensive : "regardez les chiffres, ils me donnent raison", répétait-il.

Mais plus le temps passe, plus cet argument s’effrite. La croissance américaine ralentit. Les signaux avancés indiquent un essoufflement des dépenses des ménages. Les investissements ralentissent en raison d’un environnement instable, et des secteurs comme l’automobile ou la construction montrent des signes de fragilité. Dans ce contexte, les turbulences des marchés ne sont plus seulement un épiphénomène financier : elles deviennent le reflet d’une crainte plus structurelle, celle d’une récession.

Même les banques centrales commencent à ajuster leur discours. Jerome Powell, à la tête de la Réserve fédérale, assortit désormais ses décisions d’un discours plus prudent, laissant entendre qu’un retournement conjoncturel est possible. Or Trump n’est pas du genre à plier sans contrepartie. Il aime afficher qu’il tient la barre. Mais dans une tempête qu’il a contribué à déclencher, combien de temps pourra-t-il maintenir cette posture ?

Le dilemme politique du président-déalmaker

L’image de Trump repose sur sa capacité à "gagner" les négociations. Dans son livre de chevet autoproclamé, The Art of the Deal, il mentionne l’importance de la perception de force. Pourtant, si les marchés continuent de chuter et que la croissance ralentit, son autorité économique pourrait être sévèrement écornée. Il risque alors d’être pris à son propre piège : soit maintenir les tarifs douaniers et voir l’économie ralentir, soit les lever et apparaître comme cédant face à Pékin et aux marchés. Un choix cornélien qu'il pourrait repousser d'un revers de manche en utilisant ses tarifs comme arme puissante de négociation.

Politiquement, c’est un équilibre délicat. Une partie de sa base électorale aime l’idée d’une Amérique forte face à la Chine. Mais une autre commence à souffrir des conséquences tangibles de cette stratégie. Dans les États agricoles, les fermiers voient les stocks s’accumuler et les exportations reculer. Dans les centres industriels, les licenciements se multiplient. Si ces électeurs venaient à douter des bienfaits du combat tarifaire, ce serait un séisme dans son électorat.

De plus, l’exploitation politique de la faiblesse des marchés n’est pas exclue. Ses adversaires démocrates pourraient brandir l’état de la Bourse et le ralentissement économique comme la preuve de l’erreur stratégique de l’administration Trump. Le paradoxe est cruel : il faut parfois savoir désamorcer une crise pour éviter d’être accusé d’en être le pyromane.

Le point de bascule est-il proche ?

Alors, jusqu’à quand Trump peut-il tenir ? Jusqu’où peut-il endiguer la pression des marchés ? L’histoire du capitalisme nous montre que les marchés – lents à la réaction parfois – sont impitoyables dès qu’un seuil émotionnel est franchi. L’activité boursière a une capacité unique à faire basculer une présidence dans l’ombre.

L’ancien président George W. Bush a vu sa crédibilité réduite en miettes lors de la grande crise de 2008. Barack Obama a mené ses premières années sous la pression d’un chômage massif. Pour Donald Trump, le test suprême viendrait d’une cassure du lien entre promesses économiques et réalités financières.

Certains analystes estiment que si les indices boursiers venaient à enregistrer une chute durable de 15 à 20 %, le président devrait nécessairement revoir sa stratégie. Non pas par conviction, mais par obligation électorale. L’Histoire américaine a prouvé que les présidents réélus sont presque toujours ceux qui arrivent à maintenir une dynamique économique favorable. Et personne à la Maison Blanche ne l’ignore.

Enfin, derrière l’arène des marchés, il y a une voix tout aussi importante que Wall Street : celle du consommateur américain. Celui qui achète, qui emprunte, qui investit.

Animé par la mission de rendre la finance et l'économie plus claires et accessibles, Tristan aide à décrypter les tendances complexes et à explorer des voies alternatives pour répondre aux enjeux globaux de demain. Expert en finance durable, économie et transition énergétique, il partage ses analyses pour participer à la prise de conscience des enjeux et au progrès sociétal.

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Jusqu’où Donald Trump peut-il tenir tête aux marchés avant la rupture ?

Publié le
April 11, 2025
, mis à jour le
11/4/25
April 11, 2025

Les marchés financiers mondiaux sont entrés dans une zone de turbulences, alimentées par les tensions commerciales entre Washington et Pékin. Les indices boursiers plongent, les multinationales s'inquiètent, et les investisseurs commencent à lâcher prise. Mais Donald Trump tient bon. Pour combien de temps encore ? Ce bras de fer entre la Maison Blanche et les marchés pourrait bien devenir le test ultime de la stratégie économique du président américain. Et si l'économie réelle se mettait à vaciller, le vernis de fermeté pourrait craquer.

Donald Trump face aux marchés : combien de temps avant le repli stratégique ?

Dans le grand théâtre de la politique économique, certains leaders adoptent l’image du négociateur impitoyable, du joueur d’échecs aux nerfs d’acier, insensible aux soubresauts des marchés. Donald Trump cultive précisément cette posture depuis ses premiers jours à la Maison Blanche. Le président américain a toujours présenté la guerre commerciale avec la Chine comme un bras de fer nécessaire, voire vertueux, destiné à rééquilibrer les termes d’un commerce international injuste pour les États-Unis. Mais derrière le rideau de la rhétorique, les marchés, eux, envoient un tout autre message : celui de la nervosité, du doute et de la méfiance. Alors, la question qui s’impose désormais est limpide : jusqu’à quand Donald Trump pourra-t-il défier les marchés sans que ceux-ci ne prennent définitivement le dessus ?

La stratégie du chaos contrôlé

Depuis 2018, Trump a brandi les droits de douane comme une arme centrale de sa politique étrangère et économique. En taxant à hauteur de 25 % plusieurs centaines de milliards de dollars de produits chinois, il a voulu faire plier Pékin et rétablir un certain "fair trade", à défaut du "free trade". Selon lui, dans une logique romantique d’homme d’affaires dur-à-cuire, les États-Unis ont tout à gagner de cette confrontation tant que "l’autre camp" souffre davantage.

Alors que l’on pensait que cette stratégie culminerait en 2019 avant une désescalade, les tensions commerciales ont connu un regain d’intensité. La Chine a riposté avec ses propres tarifs, les discussions se sont durcies, et depuis plusieurs mois, l’optimisme laisse place à l’inquiétude. Et pour une bonne raison : les investisseurs n’ont pas affaire à un banquier central prévisible ou à un ministre des Finances diplomate, mais à un président qui fait de l’imprévisibilité un art politique. Résultat : l’ambiance à Wall Street s’est sérieusement refroidie.

La Bourse déteste l’incertitude, et Donald Trump en fait sa matière première. En voulant maintenir la pression sur Pékin, il joue un jeu périlleux. Car plus les marchés tanguent, plus l'économie réelle montre des signes de fragilité. Et plus ses adversaires politiques trouvent un terrain favorable pour l’attaquer.

Wall Street commence à tirer la sonnette d’alarme

Lundi noir à New York. Le Dow Jones en chute de plus de 600 points, le Nasdaq dans le rouge, le S&P 500 en retrait significatif : les places américaines ont vécu une séance de net repli suite à l’annonce de nouvelles sanctions tarifaires, provoquant une onde de choc. Ce n’est pas la première fois que les marchés réagissent mal à un durcissement du ton entre les deux superpuissances économiques. Mais cette fois, l’horizon semble plus chargé que jamais.

Au-delà des indices, ce sont les grandes entreprises américaines qui commencent à faire pression. Les multinationales technologiques, profondément dépendantes de leur chaîne d’approvisionnement en Chine, redoutent l’implantation durable d’un régime douanier défavorable. Les industriels craignent une hausse inévitable de leurs coûts de production. Et même dans le secteur agricole – socle électoral pourtant favorable à Trump – les pertes s’accumulent. Le tout, dans un contexte où la Fed paraît désormais plus soucieuse de stabiliser l’économie que de renforcer le dollar.

Larry Fink, le PDG de BlackRock – gestionnaire d’actifs influent – demande une trêve. Des voix s’élèvent au sein même du camp républicain. Trump, en acceptant une escalade sans retour immédiat, pousse les marchés au bord de la crise de confiance. Or, dans le système américain, si les marchés décrochent durablement, c’est tout le climat psychologique de l’investissement et de la consommation qui s’en ressent. Plus que des statistiques, la Bourse influence l’état d’esprit collectif.

La résilience économique : un bouclier en voie d’effritement

Jusqu’à aujourd’hui, Donald Trump a bénéficié d’une croissance relativement stable, d’un taux de chômage historiquement bas et d’une consommation intérieure robuste. Ce tableau flatteur servait à justifier sa politique commerciale offensive : "regardez les chiffres, ils me donnent raison", répétait-il.

Mais plus le temps passe, plus cet argument s’effrite. La croissance américaine ralentit. Les signaux avancés indiquent un essoufflement des dépenses des ménages. Les investissements ralentissent en raison d’un environnement instable, et des secteurs comme l’automobile ou la construction montrent des signes de fragilité. Dans ce contexte, les turbulences des marchés ne sont plus seulement un épiphénomène financier : elles deviennent le reflet d’une crainte plus structurelle, celle d’une récession.

Même les banques centrales commencent à ajuster leur discours. Jerome Powell, à la tête de la Réserve fédérale, assortit désormais ses décisions d’un discours plus prudent, laissant entendre qu’un retournement conjoncturel est possible. Or Trump n’est pas du genre à plier sans contrepartie. Il aime afficher qu’il tient la barre. Mais dans une tempête qu’il a contribué à déclencher, combien de temps pourra-t-il maintenir cette posture ?

Le dilemme politique du président-déalmaker

L’image de Trump repose sur sa capacité à "gagner" les négociations. Dans son livre de chevet autoproclamé, The Art of the Deal, il mentionne l’importance de la perception de force. Pourtant, si les marchés continuent de chuter et que la croissance ralentit, son autorité économique pourrait être sévèrement écornée. Il risque alors d’être pris à son propre piège : soit maintenir les tarifs douaniers et voir l’économie ralentir, soit les lever et apparaître comme cédant face à Pékin et aux marchés. Un choix cornélien qu'il pourrait repousser d'un revers de manche en utilisant ses tarifs comme arme puissante de négociation.

Politiquement, c’est un équilibre délicat. Une partie de sa base électorale aime l’idée d’une Amérique forte face à la Chine. Mais une autre commence à souffrir des conséquences tangibles de cette stratégie. Dans les États agricoles, les fermiers voient les stocks s’accumuler et les exportations reculer. Dans les centres industriels, les licenciements se multiplient. Si ces électeurs venaient à douter des bienfaits du combat tarifaire, ce serait un séisme dans son électorat.

De plus, l’exploitation politique de la faiblesse des marchés n’est pas exclue. Ses adversaires démocrates pourraient brandir l’état de la Bourse et le ralentissement économique comme la preuve de l’erreur stratégique de l’administration Trump. Le paradoxe est cruel : il faut parfois savoir désamorcer une crise pour éviter d’être accusé d’en être le pyromane.

Le point de bascule est-il proche ?

Alors, jusqu’à quand Trump peut-il tenir ? Jusqu’où peut-il endiguer la pression des marchés ? L’histoire du capitalisme nous montre que les marchés – lents à la réaction parfois – sont impitoyables dès qu’un seuil émotionnel est franchi. L’activité boursière a une capacité unique à faire basculer une présidence dans l’ombre.

L’ancien président George W. Bush a vu sa crédibilité réduite en miettes lors de la grande crise de 2008. Barack Obama a mené ses premières années sous la pression d’un chômage massif. Pour Donald Trump, le test suprême viendrait d’une cassure du lien entre promesses économiques et réalités financières.

Certains analystes estiment que si les indices boursiers venaient à enregistrer une chute durable de 15 à 20 %, le président devrait nécessairement revoir sa stratégie. Non pas par conviction, mais par obligation électorale. L’Histoire américaine a prouvé que les présidents réélus sont presque toujours ceux qui arrivent à maintenir une dynamique économique favorable. Et personne à la Maison Blanche ne l’ignore.

Enfin, derrière l’arène des marchés, il y a une voix tout aussi importante que Wall Street : celle du consommateur américain. Celui qui achète, qui emprunte, qui investit.

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